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Biographie du Colonel Le Cocq

Rennes, Saint-Cyr, l'Aisne

Charles_Le_Cocq

Charles Le Cocq naît à Rennes le 20 avril 1898, dans une famille de la petite bourgeoisie, son père est fonctionnaire des postes. Enfant de son siècle, l’enfance de Charles Le Cocq est marquée par le revanchisme, la construction de l’Empire colonial français, le catholicisme et l’école publique de la IIIème République.

 

Le Cocq prépare Saint-Cyr pendant la Grande Guerre. En 1917, il atteint l’âge d’être appelé sous les drapeaux : il incorpore le 62e RI mais continue sa préparation au concours, concours qu’il réussit la même année. Il fait partie de la double promotion Sainte-Odile - La Fayette, avec d’autres grands noms, comme Bournazel. Comme ses camarades, il devient Saint-Cyrien avec en tête l’image des charges en Casoar et gants blancs d’août 1914. Le Cocq n’est cependant pas Bournazel, ni dans la lettre ni dans l’esprit : décrit comme timide et peu sportif, il est l’une des fines de sa promotion.

Au moment de l’amphithéâtre de garnison, en avril 1918, Le Cocq choisit les Troupes de Marine. Il sera cependant sous-officier, ayant échoué aux examens de sortie de Saint-Cyr, durcis en raison d’un incident lors d’un chahut.

 

Le sergent Le Cocq est affecté à la 10e Division d’Infanterie Coloniale, la Division Marchand, dont le chef est célèbre depuis Fachoda et qui s’est couvert de gloire depuis 1914. En mai 1918, les Allemands mènent de féroces offensives : l’opération Blücher-York rompt le front dans l’Aisne, sur le Chemin des Dames. Le Cocq est au cœur des combats, dans le secteur de Château-Thierry.

 

Les offensives allemandes s'essoufflent en juillet et les Français reprennent le dessus : le régiment du sergent Le Cocq progresse, son bataillon prend plusieurs villages. A la tête de sa demi-section, il s’empare de Romigny-sur-Ardre, prenant deux mitrailleuses et faisant vingt prisonniers dont un officier allemand.

 

La Première Guerre mondiale se termine pour lui à Mayenne, toujours au sein de la Division Marchand. Pendant la Grande Guerre, des troubles éclatent au Maroc. Cité à l’ordre de l’armée et enfin promu aspirant, Le Cocq est volontaire pour l’Afrique.

MAROC, IFOGHAS, MAURITANIE

Après un bref retour au Vieux Bahut pour parfaire son instruction, il part au Maroc en tant que sous-lieutenant, au 10ème bataillon sénégalais. Il prend dès lors part aux opérations de pacification du pays. En mai 1920, il s’illustre dans la région de Bou Rached et décroche une nouvelle citation.

Attiré par les grands espaces et désormais lieutenant, il quitte le Maroc pour l’Afrique Occidentale Française en juin 1922. Affecté à Tombouctou, il est chargé de former des tirailleurs sénégalais. Il se distingue pourtant très vite au combat. À la tête d’un contre-rezzou, il est de nouveau cité suite au combat de Tin Aïcha, en octobre 1923. Son ardeur contre les Regueibat l’amène au commandement du 3ème peloton méhariste, basé à Kidal, l’année suivante.

Parrain au désert

L’Adrar des Ifoghas devient son fief, un territoire grand comme la Belgique et la Hollande réunis sur lequel il règne en seigneur. Écumant les dunes pour contrer les rezzous venant de l’Aïr et du Hoggar, faisant mille métiers en un jour, Le Cocq impressionne ses hommes par sa droiture et son esprit prévoyant. Il se distingue également par sa rusticité, lui qui n’était jamais monté sur un chameau, et la vitesse de déplacement de sa troupe. En octobre 1928, un rezzou ayant attaqué un groupement méhariste voisin, il s’élance à sa poursuite, durant trois jours, sur près de 500 kilomètres, et le détruit complètement, lui enlevant ses prises et faisant trente prisonniers. À nouveau cité, il est proposé pour le grade de capitaine et la Légion d’honneur.

 

En 1931, chargé d'une reconnaissance au cœur du Zemmour, au nord de la Mauritanie, il est le premier Français à s’y aventurer depuis 1913.

En mars 1932, un détachement de ses hommes est massacré par traîtrise lors de négociations avec l’Émir de l’Adrar Ould Aïda. Le Cocq part immédiatement pour ce qui est à ce jour la plus grande traque méhariste de l’histoire. « C’est ma tête ou celle de l’Émir qui y restera », déclare-t-il en s’élançant avec ses hommes. Après deux jours de traque, le sang est vengé par le sang, à travers une éclatante victoire. Les témoins rapportent qu’il tue lui-même l’Émir, bien qu’il refuse de le reconnaître par pudeur et humilité. À court de vivres et avec des blessés, le groupe méhariste rentre à son poste d’El Boyad, non sans devoir mener un autre combat. Il gagne par l’ensemble de ces hauts-faits son surnom de « Grand méhariste ». Au retour, il aura parcouru près de 1000 kilomètres en dix jours. Cette épopée fera courir son nom sur toutes les lèvres, jusque dans les régions alentours. En 1935, il est nommé au Soudan, au commandement du cercle de Gourma-Rharous.

SIAM ET CAMBODGE

Cochinchine

Le 25 novembre 1938, Le Cocq part pour l’Indochine. Ses talents de coloniaux serviront dès lors sous les cieux orientaux, dans la solitude des espaces boisés et brumeux de cette Asie qui n’a a priori rien à voir avec les dunes où il a conquis sa gloire. Dans la correspondance qu’il entretient avec sa femme, il exprime sa tristesse de n’avoir pu l’emmener avec elle. Il devient adjoint du commandant de la subdivision du Cambodge, à Phnom Penh

En mars 1939, le chef de bataillon Le Cocq est affecté au commandement du Bataillon de Forteresse et du front de terre de la région fortifiée du Cap Saint-Jacques. Habitué à travailler avec les Touaregs et les Sénégalais, il est dans un premier temps déconcerté par les soldats Annamites, au tempérament bien différent. L’atmosphère de guerre n’échappe pas à l’officier, qui se montre dès lors toujours plus exigeant avec ses hommes.

Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, en mai 1940, lui laisse un goût amer, causé par son éloignement de la métropole. Il décide pourtant de ne pas rejoindre De Gaulle à Londres et de tenir son rang, là où il est, afin de faire face aux Japonais dont il attend l’offensive générale.

En décembre 1940, Le Cocq prend la tête du 2ème bataillon du régiment de tirailleurs annamites afin d’assurer la sécurité du Siam. Les attaques des Siamois débutent en janvier 1942 et Le Cocq et ses hommes participent à un raid vers Sisophon, qui se solde par un échec. Échec certes mais à travers lequel il rayonne en résistant face à un ennemi supérieur en nombre. Ses brillantes qualités de chef lui valent une citation à l’ordre de la division.

Lorsque Le Cocq arrive au Tonkin, il prend le commandement de la subdivision militaire de Lao Kay, soit six compagnies de tirailleurs tonkinois et divers éléments d'artillerie coloniale et de la Légion Étrangère.

Promu lieutenant-colonel, il commande le 1er territoire militaire situé dans la baie d’Along, à la frontière chinoise. À l’inverse de la doctrine insufflée par ses cadres, il prépare activement ses hommes à la guérilla qui seule permettra de tenir face aux Japonais. Il est remarqué pour sa débrouillardise, ses pairs le décrivant comme un vieux blédard qui achète lui-même les chevaux nécessaires à ses pelotons montés, délaissant les charrettes fournies par l’armée. Ses soldats seront dès lors rompus au combat en montagne, des caches d’armes sont mises en place et l’unité passe pour la plus entraînée de l’Indochine française. Traitant avec les Japonais sans rien leur céder, il parvient à insuffler sa foi en la victoire finale de la France à ses hommes, Européens comme indigènes.

 

Le coup de force des Japonais est déclenché le 9 mars 1945. La barbarie s’abat dès lors sur l’Indochine, des garnisons subissent de lourdes pertes, des officiers sont décapités après avoir assisté au massacre de leurs hommes, les prisonniers sont torturés. Partant spontanément de Monkay en voiture, puis à cheval, Le Cocq prend la tête du 2e Bataillon du 19ème Régiment Mixte d’Infanterie Coloniale pour porter secours au poste de Ha Coï. À la différence de bien de ses camarades d’Indochine, il ne lui est pas donné de mourir en se défendant ou en se repliant, mais en attaquant le Japonais. Dans les combats furieux qui se déroulent le 11 mars, Charles Le Cocq est touché d’une balle au cœur et tombe face à l’ennemi. Il est créé compagnon de la Libération par le décret du 6 avril 1945 et promu colonel à titre posthume.

PORTRAIT MORAL

D’un brillant père fonctionnaire dans les Postes, télégraphes et téléphones (PTT), patriote et catholique convaincu, et d’une mère affable, attachée à la vie de famille, Charles Le Cocq passe son enfance en Bretagne. Comme bien des enfants de son siècle, il rêve de grands espaces, aux creux des pages de Jules Verne et de Robinson Crusoé, qu’il connaît par cœur. La lecture est son passe-temps favori, tel le Chateaubriand du château de Combourg qui rêve de pays inconnus et de solitude, et on le retrouve bien souvent plongé dans la lecture du Journal des Voyages, un hebdomadaire qui mêle récits réalistes de voyage et fictions rocambolesques. 

Citation

Élevé dans la foi catholique, ayant suivi les cours des Frères des Ecoles Chrétiennes puis ceux du Collège municipal Jules-Simon (dont la devise est « Dieu, Patrie, Liberté ») à Vannes, Charles Le Cocq gardera toute sa vie cette droiture morale et cette éducation inculquées très tôt. Il prépare de plus Saint-Cyr dans la corniche du lycée jésuite Saint-François-Xavier de Vannes.

En Afrique, il vit cet « appel du silence » ressenti par Saint Charles de Foucauld plus tard, alors qu’il est isolé du culte catholique, perdu dans l'immensité saharienne. Comme Ernest Psichari avant lui, entouré de soldats qui se prosternent cinq fois par jour vers La Mecque, Le Cocq ne peut s'empêcher de méditer sur les questions religieuses. Attaché à la vie de famille, il se marie en 1935 avec Germaine Reverdin, qui accepte de le suivre au cours de ces séjours. C’est une présence précieuse aux yeux de l’officier, et celui-ci lui écrit qu’il ne s’y plaira pas tout seul, du Tonkin pour lequel il part seul.

 

Lorsqu’il franchit les portes de Saint-Cyr en 1917, il est décrit comme quelqu’un de silencieux, renfermé voire austère. D’apparence faible, il n’a pas le charisme de certains de ses camarades de promotion. Ses chefs lui reconnaissent toutefois sa rigueur, sa modestie et son ardeur au travail, malgré cette certaine pudeur vis-à-vis de ses sentiments. Ce sont dans les fracas de la Grande Guerre que Le Cocq se dévoile et semble abandonner une posture, un déguisement. Des rêves de gloire en tête, dans une crânerie bien française, il connaît un dur baptême du feu avec sa troupe puis est rapidement félicité pour son courage et son aptitude au commandement. Le Cocq galvanise ses troupes et les porte à l’assaut de l’ennemi, avec entrain et dynamisme. Ses chefs décrivent son tempérament comme « ardent mais calme ». Selon ces mêmes supérieurs, au premier regard, il passe pour être un « amateur, mais ne l’est pas ».

 

De ses années au Vieux Bahut, Le Cocq saura garder sa rigueur et sa minutie, dans l’hostilité du désert saharien : il prépare avec prévoyance ses expéditions, vérifie l’armement et l’équipement de chacun personnellement. Bienveillant et proche de ses hommes, il veille à ce que chacun d’eux ne manque de rien. Son caractère se déploie pleinement sous le soleil d’Afrique, comme raffermi par la sécheresse des alizés. Ses soldats sont frappés par son autorité, toute naturelle, l’élégance de ses actes et plus généralement par son charisme naturel. Au cours de bien des affrontements, il fait preuve d’une audace mesurée, d’une énergie communicative et d’une volonté sans faille. Passionné par cet environnement dans lequel il va passer de nombreuses années, Le Cocq y acquiert de fines connaissances sur les populations, leurs habitudes, ainsi que sur le mode de vie méhariste. Son surnom de « Grand méhariste » en est le plus brillant témoignage. Sa ténacité est aussi remarquée, lui qui grandit dans une Bretagne qui n’a rien à voir avec la dureté du continent noir. Un autre surnom, celui de « Capitaine Naïl » (les sandales mauritaniennes) lui vient du fait que lorsque ces hommes descendent de leurs montures et marchent, celui-ci marche avec eux. Au moment de l’exploit de Tamakaste, en 1928, il monte tant son méhari qu’il en est blessé aux jambes et ne pas s’asseoir sans douleur. C’est le serouel plein de sang, collé aux cuisses, qu’il remporte ce brillant succès. Certains indigènes l’appellent également « Bou Serouel », Père serouel, en raison du grand pantalon soudanais qu’il portait à l’époque.

 

Lorsqu’il retrouve brièvement la métropole en 1929, au 12e RTS de La Rochelle, le capitaine Le Cocq, qui a en horreur la bureaucratie, se lasse très vite des tâches administratives. Participant à des exercices théoriques, des jeux de guerre, portés sur les leçons de la Première Guerre mondiale, il s’ennuie terriblement : « Au diable les kriegspiels (jeux de guerre) ! Ils m’abrutissent et m’étouffent. Que je retrouve vivement le grand air d’Afrique ! » confie-t-il à l’un de ses camarades.

En Indochine, à partir de 1938, il continue d’être remarqué pour ses qualités humaines, pour son esprit d’initiative et de débrouillardise. Il semble aussi renoué avec la foi catholique de son enfance : on le trouve en train de prier dans son bureau et son livre de prières est retrouvé dans sa veste, lorsqu’il tombe au champ d’honneur.

Lors de celle-ci, fidèle à lui-même Le Cocq était plein d’ardeur, faisant le tour de toutes les unités, galvanisant ses hommes en se tenant debout sur la ligne de feu, dans le plus pur esprit de 14. Frappé en plein cœur, il tombe face à l’ennemi et ses hommes récupèrent vaille que vaille son corps. La France reconnaît immédiatement sa grandeur : De Gaulle lui-même annonce son décès à l’Assemblée consultative, qui se lève et l’honore dans un silence solennel, de plus, le chef de la France libre le crée compagnon de la libération ; on annonce son décès à la radio et il est promu colonel à titre posthume, grade qu’il aurait déjà dû avoir de son vivant.

Décorations et citations

En 27 ans de service dans l’armée coloniale, le colonel Le Cocq aura totalisé 21 ans en campagne, dont 17 loin de la métropole : de l’Aisne au Tonkin en passant par le Maroc, le Soudan Français, la Mauritanie, le Siam et le Cambodge, la vie de notre parrain est une épopée remarquable. Au cours cette carrière aux airs de destinée glorieuse, Le Cocq a reçu les plus grandes décorations : Chevalier (1929) puis officier (1932) de la Légion d’honneur, Compagnon de la Libération (à titre posthume), Croix de Guerre 1914-1918 (1 citation), Croix de Guerre 1939-1945, Croix de Guerre des Théâtres d'Opérations Extérieurs (4 citations), Médaille Coloniale (agrafe Maroc), ainsi que la Médaille Interalliée 1914-1918 et Officier de l’Ordre de l’Etoile Noire du Bénin.

 

« Du contre-rezzou de Tamakaste à la poursuite dramatique, la chasse au terme de laquelle fut enfin châtiée la trahison de l’Émir, des débuts du jeune lieutenant de l’infanterie coloniale débarqué dans l’éblouissement du Niger à sa mort de soldat sur la frontière tonkinoise - la jungle où tant de Sahariens sont tombés étouffés, dont la tombe aurait dû connaître la lumière, l’intimité d’un pli de sable - [...] le film d’un homme qui commença par la victoire sur lui-même, cette victoire qui s’impose à qui veut mériter du Désert » (COL Le Rumeur)

 

« L’enfance sérieuse et pieuse, le plumet de Saint-Cyr, les beaux soldats de Marchand, le Maroc de Lyautey, l’épopée noire, l’épopée jaune, la mort d’un brave » (GAL Charbonneau)

« La poursuite, c’est Le Cocq, avec une troupe autour de lui, il n’y a aucune exagération à écrire qu’il en fût l’âme, il est le chef sur qui tous les regards se portent » (LCL Magré)

 

 « Ses vertus caractéristiques, je me contente de les énumérer, car je n’en finirais pas de vous donner des exemples… droiture, autorité naturelle, modestie, discrétion, élégance - et dans son commandement, l’art de porter le coup d’œil, l’art de parler à ses subordonnés, de condenser ses ordres, d’organiser avec clarté » (COL Larroque)

 

« Je n’ai jamais vu de chef qui sache donner ses ordres comme lui ; Beaucoup d’Européens cédaient à la manie de s’habiller en goumiers, voire d’adopter les mœurs des Maures, croyant ainsi mieux les commander… Le capitaine Le Cocq, par sa tenue, son attitude et son autorité sut montrer quelle erreur c’était là…» (COL Gufflet)

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